mercredi 11 mars 2015

La Beaumelle, un ennemi de Voltaire (3)

Fin janvier 1752, au sortir d'un spectacle à l'Opéra, La Beaumelle fait la connaissance d'une coquette nommée Madame Cocchius. Charmé par les oeillades que lui lance la jeune femme, il répond à son invitation et la raccompagne chez elle. L'imprudent tombe bientôt nez-à-nez (et en fort fâcheuse posture...) avec le mari de la belle, redoutable matamore qui exige aussitôt la bourse du jeune Don Juan en guise de réparation. La Beaumelle s'exécute, étonné de s'en tirer à si bon compte, et prend aussitôt la poudre d'escampette.
Hélas pour lui, le mari outragé (il finira exilé) s'en va dans la foulée déposer plainte auprès du comte de Hake, Lieutenant-général commandant de Berlin. Laissons La Beaumelle nous narrer cet épisode :
L'issue est aisée à deviner : La Beaumelle est exilé à Spandau sans autre forme de procès. Les lettres qu'il envoie au roi, au prince de Prusse, ou encore au Chancelier demeurent toutes sans réponse.
Il faut dire qu'en haut lieu l'entourage de Frédéric s'amuse de cette mésaventure pour le moins burlesque ! Et on décide qu'une détention d'un mois fera passer au jeune homme son goût immodéré pour l'impertinence. Aux dires de La Beaumelle, Voltaire n'aurait eu de cesse, durant cette même période, de proférer les plus basses et viles calomnies à son égard. Connaissant l'homme, l'accusation peut paraître fondée...
Il faudra in fine l'intervention de Maupertuis pour convaincre Frédéric de faire libérer l'imprudent suborneur.
De retour à Berlin (début février), le jeune écrivain est fermement décidé à demander des comptes à Voltaire, dont certains témoignages ont dénoncé le rôle dans l'affaire. L'entretien qu'ils auront le 14 de ce même mois se passe évidemment fort mal, et La Beaumelle promet à son adversaire qu'il n'aura désormais plus aucun "égard"pour lui.
 Après une telle déclaration de guerre, La Beaumelle n'a plus rien à attendre de son séjour berlinois. Tout homme sensé prendrait la fuite sans demander son reste. Car Voltaire est peut-être en froid avec Frédéric, qui lui reproche son comportement avec Maupertuis, mais entre le poète le plus célèbre d'Europe et un plumitif encore anonyme, il n'est pas question de balancer.
Mais La Beaumelle n'est pas constitué d'un bois fort tendre, et il est plus que jamais décidé à se venger de son infortune. D'ailleurs, il a déjà trouvé le terrain idéal pour livrer bataille. En effet, Voltaire vient de faire paraître à Berlin (fin décembre) une nouvelle version de son Siècle de Louis XIV. Or, La Beaumelle détient toujours les fameuses lettres inédites de Madame de Maintenon, ces mêmes lettres qui pourraient prouver la fausseté du récit voltairien ! Examinant l'ouvrage dans le détail, il se met aussitôt à rédiger des notes toutes plus accablantes les unes plus que les autres... Son propre témoignage nous révèle d'ailleurs sa volonté d'en découdre : "quelques morceaux... m'ont paru faibles, beaucoup de paradoxes,  beaucoup d'anecdotes bien plus curieuses que vraies, plus de brillant dans l'esprit que de précision et d'exactitude..."
Voltaire chez Frédéric

Mis au courant, l'entourage de Voltaire ne tarde pas à réagir, tentant en vain de le dissuader de cette folle entreprise. Mais c'est peine perdue. Tant pis, on emploiera donc les grands moyens !
Vraisemblablement incité à vider les lieux séance tenante, La Beaumelle quitte finalement Berlin au mois de mai 1752.
Mais rassurons-nous, ce départ n'a rien d'une retraite en rase campagne.

(à suivre ici)

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