mercredi 27 avril 2016

Madame de Pompadour, vue par d'Argenson (1)

Si Madame de Pompadour suscita bien des haines, celle que lui vouait le Marquis d'Argenson fut particulièrement mordante.
Voici le portrait qu'il fait de la favorite dans ses Mémoires.
 
La Pompadour, par Quentin de la Tour
Aux noces de M. le Dauphin (ndlr : en février 1745) parut une jeune beauté de Paris à qui le roi jeta le mouchoir, comme fait le sultan parmi les odalisques. Aussitôt heureux qu'amoureux, les voluptés furent le seul attrait de cet amour. Le cœur et le caractère n'étaient pas connus, et ne le sont peut-être pas encore. 
On était résolu par principes aux amours volages et à décimer les jolies femmes de Paris, pourvu qu'il n'en coûtât point de risques à la santé (toujours la peur de la maladie !). L'on prétendait échapper à l'empire de l'amour, mais cette pratique est impossible aux cœurs tendres. 
Le roi rencontra dans la dame d'Etioles, peu après marquise de Pompadour, une maîtresse bien dressée pour le gouverner. Tout en séduisant son âme par l'apparence de la douceur, elle est parvenue à la plus excessive autorité que puisse procurer la confidence, la consolation, la profondeur du secret, et ce manège adroit qui rend les courtisanes de profession plus maîtresses de leur amant, sans le secours de l'esprit , que ne le sont les femmes de qualité et de mérite. 
Sa mère, célèbre p… du Palais-Royal, l'avait élevée et destinée à quelque poste considérable de ce genre. Elle lui avait fait épouser un fermier général, mais son ambition n'en était pas satisfaite. Elle a vu le triomphe de sa fille, et est morte peu après de la vérole.
Madame de Pompadour est donc de la plus basse extraction. (Le père de Jeanne-Antoinette, François Poisson, fut notamment l'homme de confiance des célèbres frères Pâris) Elle est blonde et blanche, sans traits, mais douée de grâces et de talents. Elle est d'une haute taille et assez mal faite (…). Madame de Pompadour joue la comédie, imite et contrefait tout ce qu'elle veut, les passions et même la vertu quand il le faut. L'éducation a perfectionné la nature pour exceller dans le rôle qu'elle devait jouer; c'est le gracieux instrument des plus tristes desseins. Elle s'est prodigieusement enrichie. Elle est l'objet de la haine publique. Le roi croit la gouverner, elle le conduit ; elle lui fait voir du mérite dans ceux qui n'en ont ni la réputation ni les apparences. C'est une amitié adroite et impérieuse , plutôt qu'une véritable passion, qui produit tant d'effets sur notre gouvernement. Encore une passion violente laisserait-elle l'espérance d'un changement, les reproches de la conscience et l'efficacité du cri public. 


(à suivre ici)

le marquis d'argenson

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