mercredi 26 janvier 2011

Voltaire et l'affaire Calas (1)

"Il me semble que j'ai combattu toute ma vie pour la vérité. Ma destinée serait-elle de n'être que l'avocat des causes perdues ?" écrit Voltaire en 1773 dans un de ces lettres destinées à circuler dans les salons parisiens. 
Voltaire, le redresseur de torts... 
Voltaire, le défenseur des opprimés... 
Voltaire, le héros des affaires Calas, La Barre, Sirven...
Voilà l'image qu'il s'emploie avec application à donner de lui ; et voilà l'image qu'en retient l'Histoire.
Calas roué en mars 1762

Une fois encore, il convient de rétablir quelques vérités.
Avant 1762 ( Voltaire a alors 68 ans ...), le philosophe n'a quasiment jamais pris part à aucune affaire judiciaire. Lorsque Calas est exécuté en mars 1762, Voltaire ne s'en préoccupe guère. Du moins accepte-t-il sans sourciller la version officielle, qui prétend que le père Calas a tué son fils parce que ce dernier voulait se convertir au catholicisme. "Nous ne valons pas grand chose, mais les huguenots sont pire que nous", écrit-il le 22 mars.
 - S'il s'engage dans la mêlée judiciaire dans les semaines qui suivent, c'est avant tout parce que les enfants de Calas sont venus à Ferney pour lui demander son aide. Plus tard, il affirmera avoir agi "par amour de l'humanité" ou même parce qu'il connaissait Calas personnellement !
les Calas à Ferney
 - La raison essentielle de son engagement est évidemment d'ordre religieux. Voltaire s'intéresse avant tout à la lutte contre l'"Infâme" et plus généralement contre l'intolérance. La question judiciaire n'a alors que peu d'intérêt à ses yeux. D'ailleurs, s'il voit la main malfaisante de l'Eglise dans cette condamnation, il ne remet pas encore en question le fonctionnement du parlement toulousain qui, selon lui, a été trompé par de faux témoignages. Le coup de génie de Voltaire est donc d'avoir pris conscience que ces affaires judiciaires constituaient un excellent moyen de s'en prendre indirectement à l'Eglise.
- La dernière raison, souvent sous estimée, est que Voltaire perd alors de son aura. A Paris, certains le considèrent déjà comme un homme du passé. Diderot et d'Holbach notamment, toujours progressistes, ne se privent plus d'exprimer leurs réserves sur les prises de position du patriarche de Ferney. Ce dernier a besoin d'un coup d'éclat, et il en a conscience. L'affaire Calas lui fournit l'occasion rêvée de redorer son blason et d'occuper à nouveau le devant de la scène.
L'erreur judiciaire en tant que telle n'a donc jamais intéressé Voltaire. Lui-même le reconnaît en 1769, alors qu'on lui demande son aide dans un autre procès ( qui lui, n'a pas un caractère religieux) : " Je ne me mêle point de l'affaire de Martin (...) Je ne peux pas être le don Quichotte de tous les roués et de tous les pendus."

(à suivre ici)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour commenter cet article...