jeudi 1 mars 2018

Le Malleus Maleficarum (1)

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C’est au cours de l’hiver 1486-1487 (d’abord à Strasbourg puis à Bâle) que parut le Malleus Maleficarum, manuel de démonologie et de sorcellerie rédigé (c’est du moins ce qu’en retient l’Histoire…) par deux dominicains de triste mémoire :  

Jakob Sprenger et Henry Institoris.

L’ouvrage répondait à la Bulle Summis desiderantes affectibus (1484) par laquelle le pape Innocent VIII donnait sa pleine approbation pour relancer la chasse aux sorcières en Allemagne, et plus particulièrement dans la vallée du Rhin, où officiaient les deux théologiens susnommés.

le pape Innocent VIII


Voici quelques extraits de la Bulle (imparfaitement) traduits pour l’occasion :



 En effet, il est venu à nos oreilles, non sans nous affliger avec une vive tristesse, que dans certaines parties du nord de l'Allemagne, ainsi que dans les provinces, les cantons, les territoires, les districts et les diocèses de Mayence, Cologne, Trèves, Salzbourg et Bremen, beaucoup de personnes des deux sexes, oubliant leur propre salut et s'éloignant de la foi catholique, se sont abandonnés aux démons incubes et succubes, et par leurs incantations, leurs sortilèges, leurs conjurations et autres amours maudits et leurs métiers, leurs énormités et leurs horribles délits , ont encore tué des enfants dans le ventre de la mère (…) Ces misérables affligent et tourmentent aussi des hommes et des femmes, des bêtes de somme, des bêtes de troupe, ainsi que des animaux d'autres sortes, avec des douleurs terribles et piteuses, et des maladies douloureuses, intérieures et extérieures ; Ils empêchent les hommes d'accomplir l'acte sexuel et les femmes de concevoir, d'où les maris ne peuvent pas connaître leurs femmes ou les femmes recevoir leurs maris; Ils renoncent par blasphème à cette foi qui leur appartient par le sacrement du baptême, et à l'instigation de l'ennemi de l'humanité, ils ne reculent pas à commettre et à commettre les plus abominables abominations et les excès les plus immondes au péril mortel de leur âme  (…)

 … nous donnons la permission auxdits Inquisiteurs (…) de procéder, conformément aux règlements de l'Inquisition, contre toute personne de quelque rang que ce soit, en corrigeant, en multipliant, en emprisonnant, en punissant, comme leurs crimes le méritent, ceux qu'ils ont trouvés coupables. (…). En outre, ils jouiront d'une pleine et parfaite faculté d'exposer et de prêcher la parole de Dieu aux fidèles, aussi souvent que l'occasion leur paraîtra et qu'il leur semblera bon dans chaque église paroissiale desdites provinces et exécuter librement et légalement les rites ou exécuter les affaires qui peuvent paraître utiles dans les cas susmentionnés.  



Concernant le format in 8 fréquemment adopté pour l’ouvrage, Michelet explique : « Le Malleus qu’on devait porter dans la poche, fut imprimé généralement dans un format rare alors, le petit in 8. Il n’eût pas été séant qu’à l’audience, embarrassé, le juge ouvrît sur la table un in-folio »

Dès lors, munis de ce terrible ouvrage, les tribunaux civils étaient en mesure de relayer la procédure inquisitoriale dans l’action contre les prétendues sorcières. Pourtant, la 3è partie de l’ouvrage pose au préalable la question de la compétence des tribunaux civils en matière d’inquisition de sorcellerie :

« Notre principale intention dans cet ouvrage est de nous décharger, nous Inquisiteurs de Germanie supérieure…de l’inquisition des sorcières, laissant aux juges le soin de les punir. Cela à caude de la difficulté de l’affaire : mais à la condition qu’il ne soit pas moins pourvu à l’intégrité de la foi et au salut des âmes »

La chasse était ouverte. Et dans le prologue de l’ouvrage, le dominicain Sprenger pouvait se réjouir : « Au milieu de ces maux, Nous Inquisiteurs, Jacques Sprenger et son cher collègue, délégués par le Siège Apostolique pour exterminer une hérésie aussi pestilentielle… »

ExterminationLe mot est prononcé.

En lâchant la bride de ces chiens d’attaque, l’Eglise allait se rendre coupable d’un massacre sans nom, dont je laisse le soin aux historiens de rapporter les détails sanglants.




Pour ma part, je me contente de lire l’abominable Malleus Maleficarum (ou Marteau des sorcières). 
Les bras m’en tombent, reconnaissons-le.

Je rapporterai prochainement quelques passages aux lecteurs capables de supporter de telles horreurs.

(à suivre ici)

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